Par Mathilde de ROBIEN, site Aleteia, le 9 février 2022

Auteur : P.RAZZO I CIRIC

A la veille de la journée mondiale des malades (…), le père Arnaud TOURY, prêtre et infirmier, apporte un éclairage lumineux sur la place et le rôle, sans cesse à ajuster, de celui ou celle qui visite un proche malade.


La souffrance d’un proche malade ou en fin de vie déstabilise, paralyse parfois. Elle fait naître un certain malaise qui empêche d’être soi-même. Trouver un sujet de conversation adéquat à la situation paraît insurmontable. On préfère alors se taire plutôt que d’être maladroit. Quelle attitude adopter ? Afficher une mine décomposée ou sur-jouer l’insouciance ? Quels gestes poser ? Prendre sa main dans la sienne n’est-il pas trop intrusif ? Mais se passer de gestes physiques ne serait-il pas perçu comme de la froideur ? Le père Arnaud TOURY (…) fournit quelques pistes pour visiter un malade et faire éclore le dialogue.

1. SE SENTIR DÉMUNI, C’EST BON SIGNE ! Il arrive de demeurer totalement démuni lors d’une visite à une personne malade. Le père Arnaud Toury est rassurant : « C’est bon signe, de se sentir démuni ! Ce serait inquiétant de savoir exactement comment faire. » Il est normal de ne pas savoir quoi faire ou quoi dire dans la mesure où une partie de la personne malade est devenue inaccessible à ses proches. « La souffrance met la personne malade dans une situation d’incommunicabilité. Elle ne peut pas dire, pas traduire sa souffrance », souligne le prêtre. De ce fait, l’entourage est nécessairement maladroit car il ne sait pas ce que vit la personne malade. Et ce, même s’il a traversé une maladie similaire ! Une des phrases à bannir est : « Je sais ce que c’est » ou « Je sais ce que tu ressens. » Non ! Chaque personne est unique et vit la maladie différemment. Visiter un proche malade, c’est accepter le fait d’être démuni, c’est entrer dans une démarche d’humilité et d’écoute. Se sentir démuni est bon signe aussi car cela engendre une forme de communion entre la personne visitée et le visiteur. « Les deux personnes sont finalement dans une situation d’incommunicabilité, l’une parce qu’elle ne peut pas dire sa souffrance, l’autre parce qu’elle ne sait pas quoi dire. Dans cette incommunicabilité se trouve une forme de communion », constate le père Arnaud TOURY.

2. OFFRIR SA SIMPLE PRÉSENCE
L’enjeu, lors d’une visite à une personne malade, est de lui faire savoir que quelqu’un est là pour elle, et qu’elle peut faire appel à lui quand elle le souhaitera. Visiter chaque jour et de longues heures une personne malade qui ne parle pas beaucoup pourrait paraître inutile voire absurde. Mais une simple présence a un prix inestimable. « La personne malade a besoin de savoir que quelqu’un est présent », précise le prêtre infirmier. « Elle peut désirer être seule dans sa chambre, mais elle sait que si elle le souhaite, quelqu’un est là ». Paul Claudel écrivait : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence. » Celui qui visite une personne malade est appelé à la même vocation. Il peut dire par exemple : « Je n’imagine pas ce que tu vis, je n’ai pas les mots, je serais maladroit et je t’en demande pardon, mais si tu as besoin de moi, je suis là ».

3. LAISSER LE MALADE ÊTRE LE SUJET DE SA VIE
A l’instar de Jésus face à l’aveugle Bartimée, le proche d’une personne malade est invité à ne pas s’imposer et la laisser à la manœuvre. Si le visiteur se met à son écoute, s’il fait de la place en lui pour recevoir les paroles confiées, les petits signes donnés, alors il peut réellement se mettre à son service. Dans l’Evangile, Jésus demande à Bartimée : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 51) Tout le monde sait ce qu’aimerait l’aveugle ! Mais Jésus n’impose pas son point de vue. « Jésus ne procède pas comme cela. Il le laisse être le sujet de sa vie », engage le père Arnaud TOURY, tout en donnant un exemple concret : « Si je prends la main d’une personne malade, je ne la serre pas, je reçois sa main, et lui laisse la possibilité, si elle le souhaite, de se cramponner ».

L’objectif ? Créer un espace où le dialogue puisse émerger, au lieu d’entamer un monologue qui ne laisse que peu de place à l’autre. « La priorité doit être donnée à la parole du malade », souligne le prêtre. Ce qui n’exclut pas des temps de silence, qui, comme dans la liturgie, permettent de faire résonner la parole.